Handicap

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IMPRO -SESSAD - Dispositif intégré : Des parcours à la carte

22 Septembre 2022

Montigny-lès-Metz et Morhange (Moselle). Transformer un IMpro et un Sessad en dispositif intégré :


le Comité mosellan de sauvegarde l'a fait dès 2019 en créant le dispositif d'accompagnement médico-éducatif (Dame) La Horgne. Un bouleversement de l'offre qui a nécessité de profonds changements en termes de logiques de management pour les professionnels et d'accompagnement des jeunes.


 

« Chloé ? Tu peux venir m'aider ? » « Chloé ? Est-ce que je peux coller le bateau maintenant ? » Au milieu d'une classe de CE2 en pleine leçon d'arts plastiques, Chloé, 18 ans, en situation de handicap, est sollicitée de toutes parts. Les enfants la connaissent bien : la jeune fille vient régulièrement à l'école de Sainte-Barbe, un village en périphérie de Metz. « J'aime beaucoup les enfants, j'aimerais bien travailler avec eux plus tard », confie l'adolescente au regard turquoise suivie par le dispositif d'accompagnement médico-éducatif (Dame) La Horgne. Le fait de passer du temps au sein d'une école ordinaire fait partie de son projet. « C'est une activité qui contribue à travailler l'estime et la confiance en soi des jeunes du Dame. Cela permet de souligner leur potentiel. C'est aussi une manière de mettre en application ce qu'ils apprennent en groupes d'habiletés sociales, indique Marion Causero, éducatrice spécialisée à l'origine de cette coopération en milieu scolaire. Quand certains jeunes passent les portes de l'école, leurs troubles du comportement ou leurs stéréotypies disparaissent. L'atelier n'est pas thérapeutique, mais c'est quelque chose que l'on peut observer de manière notable. »
 

Beaucoup de préparation et de pédagogie
 

Diversifier l'offre et mixer les accompagnements dans et hors les murs : telle est la nouvelle logique à l'oeuvre avec le Dame. À la demande de l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est, le Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA) a transformé un institut médico-professionnel (IMpro) de 92 places (dont 52 en internat) et un service d'éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) de 12 places situés à Montigny-lès-Metz et à Morhange en dispositif intégré. « Au départ, la démarche était prévue à titre expérimental, mais l'autorisation de fonctionnement reçue le 1er juin 2019 mentionnait une durée de 15 ans », précise Stéphane Rognon, directeur du Dame. Un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) a fixé des objectifs clairs : redéployer des places d'internat en ambulatoire, éviter les ruptures de parcours et diminuer le nombre de jeunes relevant de l'amendement Creton.

Un tel changement a nécessité en amont beaucoup de préparation et de pédagogie. Le CMSEA s'est fait accompagner par un consultant extérieur. Gatien Beaumont, fondateur du cabinet Horizons Conseil, spécialisé dans la transformation de l'offre, explique : « La première étape a été de réunir l'équipe de direction du CMSEA, le conseil d'administration et des représentants de l'ARS, pour avoir une vision claire et commune du Dame. Il était absolument nécessaire de se mettre d'accord sur ce que cela serait et ne serait pas. »

Plusieurs temps d'échanges avec les équipes et les cadres sont organisés pour lever les éventuelles réticences. « Certains professionnels pensaient qu'ils allaient quitter l'IMpro pour aller travailler pour l'Éducation nationale et disaient : "Nous n'avons pas signé pour ça !". Nous avons dû dépassionner le sujet, expliquer que cette transformation ne voulait pas dire la fin de l'institution, mais qu'elle s'inscrivait dans une logique d'assouplissement et de diversification de l'offre vers des réponses plus adaptées aux besoins des jeunes », indique le consultant.

En décembre 2019, le président et le directeur général du CMSEA ouvrent un séminaire. « Une grande étape dans la conduite du changement, se souvient Stéphane Rognon. Cela a permis de poser politiquement la démarche et de montrer que le fonctionnement en dispositif n'était pas la dernière tendance à la mode, mais la suite logique des évolutions à l'oeuvre depuis plusieurs années. Les équipes ont été convaincues qu'il fallait y aller. »
 

Des « commerciaux » pour « vendre » le Dame
 

Afin de développer l'offre hors les murs, le directeur confie à quatre professionnels (trois éducateurs spécialisés et une infirmière) la mission de « commercial » : un terme un brin provocateur pour souligner qu'il s'agissait d'aller trouver des partenaires à l'extérieur pour faire connaître et « vendre » le Dame. Choisis parmi les volontaires qui avaient un bon carnet d'adresses, les commerciaux – devenus par la suite les référents Inclusion – ont chacun leur spécialité : la santé, l'école, l'hébergement, la professionnalisation.

Rapidement, les efforts portent leurs fruits et de nombreuses conventions de partenariat sont signées (une quarantaine aujourd'hui). Ainsi, le Dame a su diversifier son offre d'hébergement, tant à l'intérieur (l'internat propose désormais de l'accueil séquentiel et un pavillon dit autonome dans l'enceinte du siège permet à quatre jeunes de vivre en colocation sans la présence permanente d'éducateurs) qu'à l'extérieur avec des partenariats passés avec des pensions de famille, un foyer de jeunes travailleurs ou encore la location d'un appartement en ville.
 

Prendre le temps
 

L'IMpro a également externalisé trois classes (deux en collège et une en lycée professionnel) et six ateliers en établissements et services d'aide par le travail (Esat), dont plusieurs n'appartiennent pas à l'association. « Le fait de pouvoir accueillir en amont des jeunes de l'IMpro à l'Esat dans le cadre d'ateliers externalisés présente de nombreux avantages, estime Florian Jeansen, directeur de l'Esat L'Atelier des talents, à Metz. Les jeunes découvrent des activités qui ne sont pas proposées à l'IMpro, cela les familiarise avec l'environnement de la structure et les professionnels peuvent échanger entre eux. Cela s'inscrit réellement dans une logique de parcours et de continuité d'accompagnement. » Éducateur technique spécialisé travaillant à l'Impro depuis 2012, Jérôme Autret constate les changements : « Avant, les retours de stage pouvaient parfois être mitigés. Avec le Dame, la période d'immersion est bien plus longue, les jeunes ont le temps de se repérer, les embauches se passent beaucoup mieux. » Moniteur d'atelier à l'Esat, Christophe Varela approuve : « Cela permet à la fois de voir le potentiel des futurs recrues, mais aussi de revoir nos pratiques professionnelles, notamment à l'égard des jeunes porteurs de troubles du spectre autistique (TSA). » Ce jour-là, sept élèves du module pro TSA du Dame sont présents aux côtés d'Aurélie Freymann, éducatrice spécialisée : « Mon travail consiste à accompagner ces jeunes dans leur parcours professionnel. Je peux, par exemple, proposer des outils de communication ou des adaptations de poste pour que les jeunes réussissent leur intégration. »

Autre exemple d'ouverture sur l'extérieur : un partenariat noué avec la ville de Montigny-lès-Metz pour l'utilisation d'un jardin partagé situé en plein coeur de ville fréquenté par des écoles, des services périscolaires et des maisons de retraite du quartier. Les jeunes du Dame y viennent dans le cadre de leurs ateliers (espaces verts, couture…) ou de leurs classes. En ce mardi matin, ils y ont fait un peu de désherbage et reçu un cours sur l'énergie solaire en présence de leur enseignante et d'une animatrice du service Développement durable de la ville.
 

Onze coordonnateurs de parcours
 

Grâce au fonctionnement en Dame, les jeunes sont accueillis « à la carte » en combinant les prestations, dans et hors les murs. Pour permettre cette souplesse, les notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) sont désormais uniques. « Avant, nous devions écrire à la MDPH pour qu'un jeune semi-interne passe interne afin de participer à une classe découverte. C'était lourd. En Dame, c'est plus souple et plus rassurant pour le directeur », explique Stéphane Rognon. Le cas de Rayan illustre bien cet accueil qui s'adapte à chaque situation : le jeune garçon continue sa scolarité en unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) à raison de dix heures hebdomadaires, tout en bénéficiant d'un atelier de professionnalisation et d'un atelier sport au Dame.

Pour donner de la cohérence dans l'accompagnement, le Dame a nommé onze coordonnateurs de parcours. Ayant tous un profil d'éducateur spécialisé, ils ont été déchargés du suivi du quotidien. « Nous essayons autant que possible, que ce soit la même personne tout au long du parcours du jeune », souligne le directeur. Là aussi, c'est une révolution. À l'époque de l'IMpro, le jeune se voyait désigner un référent au moment de l'accueil, puis un autre lors de la préparation à la sortie.
 

Une nouvelle sémantique
 

Cette nouvelle organisation a engendré des changements importants en termes de management. « Il a fallu passer d'une logique verticale à une logique horizontale, car on ne peut pas piloter une équipe de coordonnateurs de façon pyramidale », assure Gatien Beaumont. « Après deux ans et demi de fonctionnement, nous nous demandons si nous n'allons pas faire évoluer cette organisation car l'évolution croissante des publics suivis en ambulatoire est très chronophage pour la directrice adjointe qui pilote les coordonnateurs. Nous devons repenser les missions des cadres intermédiaires sur des missions transversales dans une logique moins pyramidale qui tranche avec l'organisation en gestion de services », souligne le directeur. Ce fonctionnement implique aussi des changements de vocables : les professionnels ne parlent plus d'internat mais d'accueil de nuit, ni de semi-internat mais d'accueil de jour, ni de Sessad mais d'ambulatoire…
 

Un comptage de l'activité complexe
 

Au-delà de la sémantique, ces transformations montrent qu'il n'est plus pertinent de raisonner en termes de places. Ce qui pose des difficultés pour le comptage de l'activité. Un jeune du Dame peut en effet bénéficier à la fois de prestations de l'accueil de jour, de l'accueil de nuit et de l'ambulatoire. À partir de quand relève-t-il d'une des trois prestations dès lors que le modèle de facturation, même en dotation globale sous CPOM, fait toujours référence à un prix de journée internat, semi-internat ou ambulatoire ?

« Aujourd'hui, conformément au rapport d'activité harmonisé en lien avec le centre régional d'études, d'actions et d'informations (Creai) Grand Est, nous comptabilisons en accueil de jour à partir du moment où nous prenons en charge le repas du midi. Mais un jeune qui ne vient que le matin sera compté en ambulatoire, qu'il vienne pour un quart d'heure d'entretien ou pour trois heures d'atelier », explique Stéphane Rognon. Cette modalité de comptage de l'activité ne valorise donc pas l'ambulatoire qui est pour autant l'un des objectifs fixés dans l'avenant au CPOM. « Budgétairement parlant, nous pourrions être perdants. Et c'est un vrai vide juridique aujourd'hui. Nous souhaitons montrer que l'ambulatoire ne coûte pas forcément moins cher que l'accueil de jour. » Pour l'heure, le directeur souhaite rester vigilant : « La réforme de la tarification Serafin-PH [1] pourrait peut-être apporter une réponse. En tout état de cause, il faudrait sortir de la logique accueil de nuit, de jour et ambulatoire. »

Article et photographies : Direction[s] n° 210, p. 18 - paru le 02/09/2022

Aurélie Vion - Photos : Mathieu Cugnot/Divergence

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